Il s'agit juste de ma synthèse, comme je le disais plus haut en toute subjectivité...Caralire a écrit :Okay, merci pour cette synthèse, c'est très intéressant. Ca rejoint une question que je me posais il y a quelques jours sur le pianiste que nous sommes : spécialiste ou adaptable?
Je m'explique : ne pouvant emmener notre instrument à la rencontre de l'auditoire, il nous faut jouer sur le piano qui est là à ce moment. D'où une nécessaire adaptabilité. Pourtant, si on joue toujours sur le même instrument, ou disons sur des instruments de la même famille, on peut probablement aller plus loin dans la maîtrise de cet instrument.
Admettons qu'un pianiste professionnel s'entraine à pouvoir toujours donner le meilleur quel que soit le piano : l'hyper-adaptabilité. Et qu'un autre se spécialise sur un seul type d'instrument. Le spécialiste sera-t-il meilleur sur son instrument? Ou l'adaptable se sera-il enrichi de son jeu sur d'autres instruments lui permettant d'obtenir encore plus du piano?
Sur la question que tu soulèves, il n'y a pas photo, et il n'existe en pratique qu'une seule option envisageable : l'hyper-adaptabilité.
On rencontre sans cesse des pianos très différents et il faut savoir s'adapter à toute les situations possibles. Un pianiste professionnel ne peut simplement pas s'offrir le luxe de faire autrement. Même s'il ne rencontrait que des Steinway, il devrait être hyper adaptable, tant le réglage change complètement les pianos du tout au tout. Aussi, l'acoustique change tout le temps, on ne peut pas projeter le son de la même manière ou utiliser la pédale de manière figée si le lieu est sec ou offre un retour confus. Sans même parler de l'usage de l'una corda, qui est rarement bien réglée...
En fait se spécialiser à un seul piano n'a même plus de sens... il faut comprendre comment tirer le meilleur de n'importe quel piano en quelques instants... le pianiste est un véritable caméléon qui passe sa vie à se calibrer au mieux à des instruments étrangers.
C'est quelque chose que je ne pensais pas du tout réaliste jusqu'à l'été dernier, et ma semaine de masterclass à Nice... j'ai osé faire une petite remarque sur le Yamaha de la salle... ce à quoi Rena m'a opposé une description des pianos soviétiques, qu'à l'époque ils y arrivaient avec ça, qu'on avait énormément de chance aujourd'hui, et que de toute façon "le piano ne compte pas, c'est l'adaptation, c'est le pianiste qui fait tout".
Je n'ai évidemment pas protesté, mais j'étais complètement sceptique devant une affirmation pareille, concrètement face à un piano compliqué, que je n'arrivais pas du tout à faire sonner comme je voulais. Il y avait à côté un Steinway abimé dans la salle, mais malgré tout assez chatoyant, que je préférais. Comme plusieurs de mes camarades, j'avais demandé à jouer celui là. Ca lui était parfaitement égal. Elle s'asseyait devant l'autre, et en fait quel que soit le piano qu'elle récupérait, c'était de loin celui là le plus beau ! Hallucinant. Je n'avais jamais vu un contrôle sonore pareil. On restait bêtes. Comme quoi, s'exercer à s'adapter à des conditions compliquées développe énormément les capacités sonores.
Après les cours, on avait des pianos droits plus ou moins aléatoires en studios de travail, pour bosser le reste du temps... et là, jour après jour, armé de nouveaux outils et d'oreilles bien plus affûtées, je me suis dit qu'elle avait sûrement raison. On ne pouvait pas "changer" un piano mais on pouvait en tirer infiniment plus que je croyais, adoucir ces pianos qui claquent, et j'ai découvert jour après jour la possibilité de dompter même ces droits dans des proportions totalement insoupçonnées. A la fin de la semaine le Yamaha de la salle de cours était devenu docile comme jamais j'aurais cru...