Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

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Wandarnok
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Wandarnok »

dilettante a écrit :Dans un des livres de la pianiste française Hélène Grimaud, elle explique que pendant une période où elle n'avait plus de piano (pour réserver le maximum d'argent à son projet "loups"), elle travaillait pour ses concerts les œuvres uniquement sur la partition, et se débrouillait pour trouver un piano juste pour confirmer sa vision.
C'est ça le niveau!
Idem pour Okay et d'autres ici. Mais pas pour les apprenants tardifs dont je fais partis (snif...).
Ces capacités là ont été gravées dans l'enfance, consolidées à l'adolescence.
Et je sais de quoi je parle car dans le domaine des Échecs (de compétition), c'est ce qui m'est arrivé.
Non seulement je retiens facilement des milliers de variantes, des centaines de patterns, mais on "voit" les choses avant même de les calculer consciemment.
On n'a pas besoin d' échiquier pour visualiser les parties et par exemple les relire ou les étudier.
Zéro verbal. Pas besoin de quelque aide ou "béquille" que ce soit pour savoir qu'un cavalier en case d6 (dont on sait instinctivement qu''elle est noire par exemple) attaque la case c4, blanche. C'est devenu génétique.
Le pire, c'est que cela reste vrai même quand il n'est plus question de coups (la tactique) mais de décisions ou de schémas (la stratégie).
A rapprocher de l’exécution, la connaissance du texte, vs les choix à faire et "l'interprétation".
Cela ne me surprend pas du tout que l'on puisse travailler tout cela hors piano sous la main.
Alors s'il y en a un qui peut comprendre ce que ressentent les pianistes de bon niveau ayant démarré dans l'enfance, et à défaut de pouvoir très probablement jamais y accéder, c'est bien moi! :? :mrgreen:
8)
sylvie piano
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par sylvie piano »

C'est consolant de penser qu'il suffit de démarrer dans l'enfance.... Mais non, c'est une condition nécessaire mais pas suffisante, il faut en plus, un don tout à fait exceptionnel.....Les pianistes évoqués étaient tous des enfants prodiges. En effet, difficile de se comparer..... !!!!!
Wandarnok
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Wandarnok »

sylvie piano a écrit :C'est consolant de penser qu'il suffit de démarrer dans l'enfance.... Mais non, c'est une condition nécessaire mais pas suffisante, il faut en plus, un don tout à fait exceptionnel.....Les pianistes évoqués étaient tous des enfants prodiges. En effet, difficile de se comparer..... !!!!!
Vous faites allusion à l’élite et aux HP (je connais la question...) dont certainement Hélène Grimaud fait partie.
Je voulais ensuite surtout parler de la "moyenne" des pianistes concertistes et bon amateurs.
Mais tout à fait d'accord pour dire qu'apprendre dans l'enfance, pour faire simple, n'est pas suffisant pour atteindre ce genre de niveau.
Et le talent n'est rien sans le travail bien sur!
Et surdoués ou pas, j'estime que c'est quasi impossible, Okay l'avait d'ailleurs rappelé, d'atteindre un niveau certain sans être parti dès l'enfance, ou au moins d'adolescence. Ensuite, préparer tout un concerto en moins de deux heures au piano comme Lisista, ou dans dans le TGV comme Hélène Grimaud, c'est certainement au dessus de la moyenne.
8)
PS: être HP ne prédispose pas à quelque avenir pianistique que ce soit, pas plus que de devenir 8eme dan d'Aikido, champion d'Echecs ou de Golf, prix Nobel scientifique ou grand écrivain... Et ce n'est, heureusement pour 98% de la population, pas indispensable.
Modifié en dernier par Wandarnok le jeu. 09 févr., 2017 17:43, modifié 3 fois.
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Cadenza
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Cadenza »

Je trouve cette discussion passionnante sur plein d'aspect!

D'abord, cette question «d'apprentissage dans l'enfance». Je crois en avoir parlé ailleurs, mais j'ai écouté des reportages il y a quelques temps sur «le génie» et j'ai retenu notamment un fait qui m'avait un peu surprise, mais que j'avais surtout trouvé intéressant : le cerveau possède à la base de nombreuses connexions, mais la nature fait le ménage à deux périodes de notre vie : durant la petite enfance et à l'adolescence. Lors de ces «ménages» (je me rends compte que le terme à une signification différente il me semble en France... «faire le ménage» = ranger, nettoyer, dans un contexte domestique; ou encore épurer, faire le tri, comme dans «j'ai fait le ménage de mes amis Facebook»), le cerveau supprime les connexions dont «il n'a pas besoin», soit celles dont il ne se sert pas ou peu.
Certaines pertes sont irréversibles.
Dans le reportage, ils parlaient du cas d'une jeune fille victime de maltraitance importante, qui avait été privée de stimuli pendant toute sa vie : elle avait vécu enfermée dans une pièce, sans contact humain, pendant toute sa vie, à peine nourrie, etc. Une histoire d'horreur en somme. Lorsque cette fille a été découverte et prise en charge par d'autres, ils ont tenté de lui apprendre à parler (ce qu'elle n'avait pas appris) et, si elle a été capable d'apprendre à dire des mots, elle n'a jamais été capable d'intégrer la grammaire et est demeurée incapable de faire des phrases, limitée donc à des affirmation comme «moi manger».

Évidemment, des cas aussi poussés et incroyables sont heureusement extrêmement rare. Pour un humain normal, l'apprentissage de nouvelles connaissances à un âge plus avancé nécessitera de passer par des circuits déjà établis. J'avais déjà lu, par exemple, qu'il est impossible d'apprendre une nouvelle langue à l'âge adulte et de la parler sans accent, alors que c'est possible dans l'enfance. De telle sorte donc qu'un nouvel apprenant adulte apprendra nécessairement différemment d'un enfant.

Ceci m'a permis de m'expliquer pourquoi un de mes amis, qui m'a appris avoir fait du violon petit, me dit aussi ne plus être capable de lire une partition aujourd'hui : il a arrêté le violon à 11 ans et n'a plus jamais refait de musique. Si le cerveau fait un tri dans l'adolescence, je comprends mieux l'oubli complet. À savoir s'il serait plus facile qu'à un adulte n'ayant jamais fait de musique de ré-apprendre, je n'en sais rien (et il n'est pas intéressé à tester. Pas que j'aie posé la question, mais je sais que ça ne fait pas partie de ses envies ^^).
Et cela m'a permis aussi de me dire que ça pouvait expliquer mes ««facilités»» (J'avoue ne pas aimer quand les gens me disent que j'ai du talent, sous-entendu que c'est facile ou inné pour moi. Non, si je progresse, c'est que je pratique. Mais je veux bien admettre que j'aie plus de facilité que d'autres, ce qui n'enlève rien au travail nécessaire pour progresser) au piano : toutes les notions que j'ai pu acquérir plus jeune en musique sont utiles maintenant. De telle sorte, évidemment, que je ne pars pas de 0, mais aussi qu'il y a sûrement certains circuits existant qui me sont d'une certaine aide dans la compréhension de la musique.
Mais bien sûr, pour apprendre, il faut toujours travailler, que ce soit jeune ou moins jeune. Les «acquis» de l'enfance l'ont été par du travail également.

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Énorme parenthèse que je referme.

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Sinon, je trouve fascinant d'avoir un tout petit accès à ce à quoi on pense pendant que l'on joue. C'est drôle, moi, je me dis souvent les notes dans ma tête. Je sais que lorsque je jouais de la clarinette, ça arrivait très souvent que je chantonnais mes pièces «do fa do ré si sol, do la fa la sol, ...» (le thème des Stroumpfs :P), donc j'imagine qu'il est normal que je continue ainsi avec le piano, même si je ne peux évidemment pas me dire toutes les notes à la fois. Je me rends même compte que je me dis parfois les mauvaises notes! Pourtant, je joue les bonnes! Sur la 2e page de la valse en la mineur de Chopin, quand le thème initial change un peu, je me dis «do ré mi, mi, fa sol la, si do ré, ré, tadada» alors que je joue plutôt un ré # (ou un mi b ?); c'est la main gauche qui joue un si (et pas du tout «do, ré» derrière). Mon Rachmaninoff où je suis encore à une étape «ok, 'do sol do / mi sol mi'» (voici un seul accord), ce qui est un peu pénible. Et un moment où je me dit je-ne-sais-plus-quelles-notes à la main droite et «paquet de dièses» à la main gauche. Et je me trouve drôle de penser «paquet de dièses» et savoir quoi jouer (de mémoire, ré#, fa#, si#, en empiétant sur une main droite, qui doit jouer quelque chose comme sol#, ré#, fa#).

De telle sorte que les rares fois où mon prof me demandait de compter à voix haute, j'étais un peu perdue, car je ne pouvais penser en chiffre et en notes en même temps (j'ai toujours eu l'habitude par le passer de me fier sur un pied qui bat les temps pour mesurer l'aspect rythmique pendant que ma tête disait les notes; dire les temps ne me permet pas de taper les notes :mrgreen: ).
Pour le piano, je ne me sers pas seulement des notes pour me repérer, mais aussi du visuel. Parfois, je ne pense pas du tout aux notes, mais je sais que ma main va se placer à gauche de telle touche noire, dans telle configuration. Par exemple, dans la sonate en do majeur de Mozart, il y a un "pattern" qui revient 3 fois je crois, une première à la fin de la première partie (juste avant la première reprise) qui fait «sol ré sol...». Je ne me souviens pas des notes après sol ré sol, mais je sais, kinésesiquement, quelles notes jouer. Même chose plus loin quand j'ai «ré la ré», ou encore plus loin avec «do sol do». Et la main gauche se place une touche blanche à gauche de la note la plus grave jouée par la main droite dans tout le motif.
Ça peut me poser un problème cependant en cas de trou de mémoire, ou si ma main se décale par inadvertance. Dans les traits de gamme, par exemple, je retiens seulement sur quelles notes commence le premier, et ensuite ça ne fait que décaler d'une touche blanche à chaque fois, du coup, je ne sais pas sur quelle note commence les traits suivants. Si je me trompe, je suis incapable de me rattraper avant d'arriver au dernier trait de gamme (qui commence sur ré et intègre un do#).

Bref, avoir accès à ce côté de chacun de nous, de notre façon de penser pendant que l'on joue, je trouve ça vraiment intéressant.
Mon parcours musical, du jour 1 (février 2016), avec ses hauts et ses bas. ;)
Virgule
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Virgule »

Sylvie et Okay, vous avez des arguments qui me convainquent que je devrais faire un petit effort... un jour. Mais si je peux attendre d'avoir le niveau l'Olivier pour m'y mettre, il n'y a pas de presse...

Ceci dit, j'ai quand même commencé à apprendre le solfège plus sérieusement. Je sais maintenant identifier la tonalité d'un morceau avant de le lire. Prochaine étape: identifier la tonalité après modulation... :mrgreen:
dilettante a écrit :Dans un des livres de la pianiste française Hélène Grimaud, elle explique que pendant une période où elle n'avait plus de piano (pour réserver le maximum d'argent à son projet "loups"), elle travaillait pour ses concerts les œuvres uniquement sur la partition, et se débrouillait pour trouver un piano juste pour confirmer sa vision.
Plusieurs pianistes font même le choix de ne pas avoir de piano-c'est le cas d'Alexandre Tharaud, par exemple, ou de Lucas Debargue (qui n'a pas la place, dit-il; on lui en a offert un et il a refusé). Petite anecdote amusante: lors d'une 'conversation' pré-concert organisée au Conservatoire de Washington en novembre dernier (où j'étais, voir le fil Lucas Debargue), Lucas a eu cette phrase savoureuse : You have to deserve the practice. You have to prepare ! (La pratique [au piano], ça doit se mériter, il faut s'y préparer).

Il ne m'a pas convaincue de faire pareil... vu mon niveau (et mon âge), je veux juste avoir du plaisir. Disons que je serais prête à faire l'effort si on m'offrait un piano à queue 8) :lol:.
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Nicoled »

Bonjour,il y a un moment que je suis pas venue (septembre , après mon stage chez Guzyela). Je continue mon petit bonhomme de chemin et ce matin j'ai envie d'entrer dans la conversation sur ce fil précis. Jouyshi écrit qu'elle chantonne en jouant et que parfois : " Je me rends même compte que je me dis parfois les mauvaises notes! Pourtant, je joue les bonnes!".
Moi aussi je chante en jouant. Mais l'autre jour mon prof (que je vois une fois par semaine , que j'apprécie beaucoup et qui me fait bien progresser) a remis en cause cette habitude en me faisant remarquer que parfois je chante et dis la bonne note mais qu'en même temps je me trompe sur le clavier...Ca me fait réfléchir.Est-ce que ce serait mieux de laisser tomber cette habitude? Il se peut effectivement que ça me fasse perdre du temps et pourtant ça me donne l'impression de m'aider...
Mon prof ne m'oblige pas à l'abandonner, il m'a juste fait prendre conscience du problème...
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Cadenza
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Cadenza »

Je ne chantonne pas vraiment. Je me dis les notes dans ma tête seulement, pas à voix haute. ;)
Du coup, mon prof ne le sais pas quand je me dis des choses farfelues.

J'ai particulièrement remarqué lors de mon dernier cours, samedi. Je me rappelle plus ce que mon prof disait, mais j'avais dit «oui, c'est bizarre, parce que dans ma tête, ce sont les notes de la main gauche que je me dis». Dans la sonate en do majeur de Mozart. Donc plutôt que de me dire la mélodie «doooo mi sol siiii do ré dooooo», je me dis «do sol mi sol». Et il me disait que ça s'entendait un peu, car je ne fais pas assez ressortir ma main droite. Et je me suis mise à porter davantage attention à ce que je me disais dans ma tête, et en gros, je saute toujours à l'endroit où il y a la plus grande «concentration» de notes jouées (de façon générale; il y a des exceptions). De telle sorte que je saute d'une main à l'autre («do sol mi sol mi sol siiiii do ré doooo»). Ça me faisait vraiment bizarre de réaliser ce chant étrange qui se passait dans ma tête.

Après, que faire avec cette constatation? Je ne sais pas. Peut-être m'efforcer de «chanter dans ma tête» les notes de la mélodie pour que ce soit ce que j'entende et fasse entendre le mieux.
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Re: Comment attaquer l'apprentissage d'un nouveau morceau

Message par Cadenza »

Je ne sais pas trop où mettre ça. Ce n'est peut-être pas le meilleur endroit, mais comme c'est mon fil, si l'on dévie un peu, c'est moins grave.

Alors, dans la continuité de mon défi «déchiffrage / défrichage» (à défaut de meilleur terme), la pièce dans laquelle je me lance cette semaine me semble fortement sous-évaluée!
C'est dans mon recueil de «100 easy piano classics». Honnêtement, je suis loin de trouver que c'est facile!

Alors je me demandais si c'était moi qui était à côté de la plaque ou si, derrière une apparente facilité en regardant la partition, il y a une difficulté réelle que l'éditeur n'a pas remarquée?
(un peu comme quand je regardais l'Invention no 8 et que je me disais que ça n'avait pas l'air si mal... alors que je travaille les 12 premières mesures à vitesse escargot sur la morphine, en boucle depuis 4 jours)

La pièce est Little prelude in C major de Bach (petit prélude en do majeur).
J'ai l'impression que ce n'est vraiment pas du tout une pièce facile pour débutant, du moins certainement pas au même niveau que les petits menuets et autres danses proposés dans ce recueil.
Mon parcours musical, du jour 1 (février 2016), avec ses hauts et ses bas. ;)
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