Je découvre ce mot à l'instant sur Wikipédia, je ne savais pas. L'objectif avoué est tout de même fascinant, si on se donne la peine de s'y pencher. Le compositeur affirme que son objectif central est d'apprendre à avoir un jeu chantant... tout en s'adressant aux clavecinistes ! Il y a de quoi être interpellé, non ?Bach a écrit :Un guide fidèle pour les amateurs du clavecin, où sera montré clairement l’art de jouer à deux parties, mais également, en progressant, celui de maîtriser parfaitement trois parties obligées; d’acquérir non seulement de bonnes Inventions, mais de les bien développer ; mais par-dessus tout, d’obtenir un jeu cantabile, tout cela en contractant un avant-goût sûr de la composition.
Comme obtenir un jeu chantant au clavecin ? surement pas via un jeu droit (ce qui est complètement standard dans Bach au piano aujourd'hui), puisque cet instrument était incapable de dynamiques. Une seule conclusion s'impose à moi : la flexibilité rythmique à cette époque était probablement beaucoup plus importante qu'on peut se l'imaginer, et surement bien plus osée que le fameux rubato romantique. Il y a un rubato qu'on pourrait appeler baroque, qui donne vie à cette musique, et permet de créer les lignes de chant même sur un clavecin. Le passage au piano, instrument capable d'une infinité de nuances, ne peut probablement pas remplacer un chant qui ne vivait que par le temps, par un chant uniquement fait de dynamiques. Il y a un minimum de continuum stylistique à trouver pour que ça chante avec une certaine cohérence esthétique...
De plus, si on parle d'un art de jouer à différentes voix, comment les faire entendre distinctement sur un tel instrument ? On parle d'un art. Il est donc question de beaucoup plus que la simple indépendance des mains ou des voix. A nouveau, une seule conclusion : les mains et les voix étaient ostensiblement décalées dans le temps. Je ne vois pas comment on pouvait faire autrement. Pourquoi donc jouer tout en face tel que soit-disant écrit ?
Conclusion : brûler les métronomes et ne plus jouer rigoureusement vertical.
Parmi les outils principaux que j'ai appris ces derniers mois dans Chopin : comment créer l'illusion polyphonique en ne jouant presque jamais les mains ou voix simultanément, et comment interpréter le déroulement du temps en fonction de la nature de la ligne... Tiens donc...
Pour ce qui est des émotions dans les Inventions, il faut interroger le texte beaucoup plus loin, mais en fait c'est juste là devant nous et très direct...